Lauréate du dispositif MONDES NOUVEAUX
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[ Rhapsodie (subst. fém.) Suite de poèmes épiques chantés par les rhapsodes ;
ouvrage fait de morceaux divers, mal liés entre eux, compilés et cités en désordre, mal arrangés ;
œuvre instrumentale ou orchestrale de forme libre, composée de thèmes juxtaposés
(« mélodie faite à demi de chants populaires, de soupirs dérobés aux murs fendus
et aux lichens des vieux monuments ») ; Textes parlés, écrits à tort et à travers. ]
MOUVEMENT :
« La loi de 1905 encadrant la laïcité est aujourd’hui l’objet d’interprétations contradictoires et de remises en question. Clio Simon investit cette « histoire sans cesse rejouée » avec un « film sonore » conjuguant archives, poésie et partition musicale. Face à la cacophonie ambiante, la réalisatrice ose l’abondance et la radicalité : elle remonte le fil juridique dans un désordre fécond, et nous pose face à l’obscurité d’un écran noir pour déployer sa recherche, dirigeant notre attention sur ses choix de montage sonore. Sur plus d’un siècle, comment a-t-on pensé la séparation de l’Église et de l’État ? C’est une réponse en rhapsodes, libre et composite, que compose tout un collège de philosophes, anthropologues, historien.nes et spécialistes du droit. »
Rhapsoder la laïcité, la faire digresser en trois temps : comme coup de force de l’imaginaire, victoire conditionnée et fondement de notre société en mouvement perpétuel. Trois temps solidaires entre eux certes, mais à l’intérieur desquels j’introduirai des digressions qui, en apparence, semblent ne « rien » apporter et qui pourtant, indéniablement finissent par poser la question du sens, du filigrane, et de ses énigmes.
Digresser c’est postuler que le sens commun est à réactiver, à construire,
c’est entrer dans un état de suspension, dans le vide, lieu privilégié des turbulences de nos pensées. Donner la parole au rien, au vide, au silence comme expression d’une organisation sociale.
Mesurer notre vertige comme une prise de conscience, que peut-être, certainement,
le présent c’est de l’histoire en acte.
Expérience sonore collective, l’obscurité de la salle devient ici agent révélateur de nos imaginaires collectifs et intimes.
[RESUME]
À caractère documentaire et poétique, « Rhapsodie juridique » part d’un monument juridique: la loi de séparation entre l’Eglise et l’Etat de 1905.
[PROCESS]
Dans le cadre de ses recherches, la réalisatrice Clio Simon a bénéficié du soutien des Archives nationales et d’une équipe de réflexion pluridisciplinaire réunissant juristes, historiens du droit, philosophes, anthropologues et historiens de l’art. Marie José Mondzain a fait partie de cette équipe. Ensemble, ils ont creusé l’histoire de la séparation de l’Eglise et de l’Etat en partant d’un monument juridique : la loi de 1905… pour ensuite cheminer jusqu’à nos jours.
« Comment, et par qui, ont été pensés, inventés, écrits les textes de lois devenus l’un des fondements de notre société? Dans un premier temps de recherches, nous avons écouté ses personnages, celles et ceux qui ont fait parler cette loi et son histoire en explorant les débats en amont et en aval. Il s’agissait de repérer les hommes, les mots, les idées, les valeurs, les négociations, les oppositions, les digressions, les mots confisqués. »
[AVEC]
Marie José Mondzain, philosophe ;
Maurice Godelier, anthropologue ;
Raberh Achi, Historien ;
Esteban Buch, Directeur d’études de l’EHESS ;
Jacqueline Lalouette, Historienne ;
Yann Potin, Archiviste ;
Nathalie Goedert, Historienne du droit ;
Rhapsode : Sarah El Hamed
CHOEUR :
Anne Lou Bissières
Geneviève Cirasse
Caroline Gesret
Myriam Jarmache
Capucine Meens
Marie Picaut
Maryline Pruvost
Accordéon : Fanny Vicens
Quartet (collectif Muzzix) :
Sakina Abdou (saxophone),
Ivann Cruz (guitare),
Peter Orins (batterie),
Christian Pruvost (trompette).
Conseiller Musique : Pierre-Yves Macé
Accompagnement Histoire du droit : Ninon Maillard
NOTES D’INTENTIONS :
Au sein de la trame musicale, l’archive nous fait tendre l’oreille, les bruitages convoquent la nature phonographique des documents. Le réel perce la partition dans toute sa complexité. Décousue, désordonnée, formée de lambeaux et de digressions, la rhapsodie exprime le refus de se plier à un ordre, elle participe à la revendication d’une liberté, construit une réalité polyphonique investie par une pluralité de voix.
Cette œuvre sonore approche l’histoire des voix et des silences qui ont imaginé, initié, refusé, troublé, bégayé, scénarisé cette séparation..
Dans un premier temps, réunir un amas d’éléments de valeur inégale, apprécier et mesurer les digressions qui en découlent, partir en quête de sens pour leur donner corps. Aborder ces archives, le rôle des libres penseurs, comme un poème épique dont on perçoit l’écho mais dont une grande part nous échappe. Coudre et ajuster ensemble les chants si divers qui contribuent à le forger sous toutes ses formes. Rhapsodie juridique, rhapsodie historico-juridique, car il s’agit d’histoires qui se tissent, s’interpénètrent, se combinent, s’imbriquent pour former un monument juridique. Un monument dont je voudrais faire l’archéologie et surtout l’”architexture” sonore.
Approcher cette matière « architexturale », puis s’en défaire, aller à l’essentiel, oser soustraire jusqu’au presque « rien », faire apparaître ce qui, dans le bavardage et les silences de cette matière se joue: sommes-nous héritiers de cette séparation ? ou s’agit-il de prendre le relais d’une histoire sans cesse rejouée ? Autrement dit, est ce que ce sont les hommes qui inventent des histoires ? ou est ce que ce sont les histoires (mythes fondateurs, …) qui nous inventent ?
Arpenter les pistes historiques pour contribuer à mettre en lumière la manière dont le droit s’élabore, se fabrique, aller fureter du côté des fondations des institutions, tenter de remonter le cours des lois pour aller s’enquérir du milieu et de l’époque dans lesquels elles trouvent leur source, visiter les soubassements des grands monuments juridiques, explorer les archives, la retranscription des débats, leurs notes de bas de pages, ratures, toutes ces digressions qui dressent les contours de cette loi, approcher et mesurer le passage du mot à l’écrit, puis de l’écrit au mot et au chant dans toute leur plasticité.
Comment, et par qui, ont été pensés, inventés, écrits les textes de lois devenus fondements de nos sociétés humaines ? à quelles époques ? Dans quels contextes ? Portés par quelles valeurs, quels imaginaires ? Quelles archives permettent d’approcher ces temps de débats qui ont fait naître ces fondements ? Scruter cette vieille loi, tourner autour, creuser dessous, la regarder de près et de loin, explorer ses racines, sa texture, ses représentations, sa maturation et ses métamorphoses. Ecouter ses personnages, celles et ceux qui ont fait parler cette loi et son histoire en explorant les débats en amont et en aval. Repérer les hommes, les mots, les idées, les valeurs, les courants de pensée, les négociations, les oppositions, les combats, les haines, les attachements. avancer dans le temps en cherchant le sens des mots à l’instant T, l’interprétation et la portée qu’on leur a ensuite données et la manière dont la liste de mots-clés s’est constituée et a évolué.
Rhapsoder les notes de bas de pages, désaccorder les bords de l’Histoire, faire bruire la saturation des mots qui ont volé de l’espace, du temps et des silences. Voix parlées, incarnées. Voix sujet, poème, voix gravées dans la pénombre des gestes et de mots écrits, raturés, soulignés, interprétés.
Au moment de l’écriture plusieurs textures, registres, matières : des archives (lois, comptes-rendus dialogué, débats de l’assemblée nationale, télégramme,…), des entretiens avec des scientifiques (historien.ne.s du droit, juristes, archivistes, philosophes, anthropologues), un chœur féminin, une rhapsode, un quartet (collectif Muzzix), et un solo d’accordéon (Fanny Vicens).